Silvia Zarate Jimenez, 40 ans, est une femme inspirante à bien des égards. Originaire du Mexique, elle célèbre en octobre ses 22 ans au Québec. Avec son conjoint François Beauvais, leur fille Émilie (12 ans) et leur fils Pierre (6 ans), elle gère la ferme Beauvais, une exploitation unique située à St-Cuthbert. Leur passion pour l’agriculture durable et l’autosuffisance est évidente dès qu’on les rencontre.
Je me souviens encore de la première fois que j’ai visité leur ferme, au printemps dernier, avec École-O-Champ. L’accueil chaleureux de Silvia et François m’a tout de suite mise à l’aise. On ressent leur dévouement, leur amour pour leur terre et leurs animaux, mais surtout, leur vision d’un avenir agricole plus respectueux de l’environnement. C’est pourquoi je me suis assise avec Silvia le 25 septembre 2024 pour en savoir plus sur son parcours fascinant.
Entrevue avec Silvia Zarate Jimenez
Pour commencer, peux-tu nous expliquer rapidement ton parcours personnel et professionnel qui t’a mené jusqu’à ton travail sur la ferme ?
Avant de devenir agricultrice, j’ai travaillé dans l’hôtellerie. Mais quand je suis tombée enceinte, j’ai ressenti un besoin de changement. Je voulais offrir à ma famille une meilleure qualité de vie, mieux manger, et comprendre l'impact de notre alimentation sur notre santé. C’est là que j’ai découvert la permaculture. Avec François, nous avons pris un cours en 2014, puis déménagé à St-Calixte pour commencer un petit projet de jardin et d’élevage de poules. Ce fut notre premier pas vers l’autosuffisance.
En 2017, nous avons cherché un terrain plus grand pour aller plus loin dans nos ambitions. En 2018, nous avons trouvé notre coin de paradis à St-Cuthbert et c’est là que la ferme Beauvais est née. Dès le début, nos amis et notre famille ont goûté à notre viande et nous ont encouragés à nous lancer en affaires.
Peux-tu me parler un peu de ta jeunesse, comment tu étais à l’adolescence, ce qui te passionnait ?
Je suis arrivée au Québec à 18 ans, directement du Mexique. En arrivant, j’ai suivi des cours de francisation et j’ai commencé à travailler dans l’hôtellerie. Mais mes racines agricoles étaient toujours présentes. Au Mexique, j’avais l’habitude de travailler avec les animaux, de m'occuper du jardin et même de faire de l’apiculture. Ce lien avec la terre, je voulais le recréer ici, pour mes enfants.
Si tu devais présenter ton quotidien à un passant dans la rue, comment l’expliquerais-tu en quelques mots ?
Mes journées commencent tôt, vers 6h du matin. Je prépare les enfants pour l’école, puis je sors pour nourrir les animaux et vérifier leur état de santé. Ensuite, je m’occupe des commandes de nourriture pour les bêtes et des récoltes dans le jardin. Les journées où notre magasin est ouvert, c’est encore plus chargé avec la préparation des commandes pour nos clients. Je prends aussi un moment pour me promener avec notre chien, ça me permet de me recentrer avant de reprendre le travail à la maison vers 15h : le souper, les devoirs, et tout le reste. Ah, et on a aussi un jardin communautaire permacole pour St-Cuthbert que je gère avec François !
C’est un rythme intense, mais j’adore ça. D’ailleurs, même si je ne prends presque pas de vacances, c’est ce que j’aime faire.
Quelle est LA tâche qui te fait le plus plaisir ? Et celle que tu donnerais assurément à quelqu’un d’autre si tu pouvais ?
Si je pouvais passer ma journée entière avec les cochons, je le ferais sans hésiter ! Ils sont tellement fascinants à regarder, surtout les bébés. Les voir interagir, grandir… C’est vraiment un bonheur, même si, j'avoue, quand il fait -30°C, c’est moins plaisant ! Par contre, s’il y a une tâche que je donnerais à quelqu’un d’autre, c’est sans doute le travail à l’extérieur en plein hiver. Ce froid glacial, c’est dur, surtout pour les tâches physiques.
À quel point ton travail change au fil des saisons ?
L’été, c’est le plus intense. On est ouvert quatre jours par semaine pour le public, il y a des tonnes de récoltes à gérer et les jardins nous demandent énormément de temps. L’hiver, c’est différent, mais tout aussi chargé. Il faut rentrer tous les petits animaux à l’abri : poules, lapins, cochons... Mais ce n’est jamais de tout repos !
Quelles sont les qualités requises pour devenir agricultrice aujourd’hui ?
Il faut vraiment aimer ce qu’on fait. C’est la clé ! Aimer être dehors, travailler avec les animaux, être attentif à son environnement, et surtout, être persévérant. L’agriculture, c’est très physique et demande beaucoup de débrouillardise. Chaque jour, il y a des défis, mais si on a la passion, ça passe.
Comment gérez-vous les aspects liés à la durabilité et à la préservation de l'environnement dans votre exploitation agricole ?
Nous avons une ferme sans plastique, sans pesticides, et nous n’utilisons aucun antibiotique sur nos animaux. C’est pourquoi nous avons choisi des races rustiques, adaptées à ces conditions. Nous plantons aussi beaucoup d’arbres et de vivaces pour encourager la biodiversité. Nos jardins sont en “lasagnes” pour retenir l’humidité, et nous n’arrosons jamais. On essaie vraiment de laisser la nature faire son travail tout en minimisant notre impact.
Comment vois-tu l’avenir de l’agriculture dans ta région et dans le monde ?
Je m’inquiète beaucoup pour l’avenir des petites fermes comme la nôtre. Elles disparaissent faute de ressources et d’aide financière. Obtenir les permis est un véritable parcours du combattant, et il y a tellement d’embûches administratives. Pourtant, ces petites exploitations jouent un rôle crucial dans la durabilité de notre alimentation. Il faut vraiment que le gouvernement et la société prennent conscience de leur importance.
Quel conseil donnerais-tu à un jeune qui veut se lancer en agriculture ?
Je leur dirais d’apprendre les bases de l’autosuffisance, de se reconnecter avec la nature, et de s’investir dans leur avenir. Suivre des formations, visiter des fermes, et surtout, ne pas avoir peur de se salir les mains ! C’est un métier qui demande du cœur, mais c’est tellement gratifiant.
Anecdotes agricoles et moments de vie
Chez École-O-Champ, on adore les petites histoires croustillantes de la ferme, et je n’ai pas pu résister à demander à Silvia de nous en raconter une. Celle qui m’a fait le plus rire est l’histoire de leur première vache, Capucine. Apparemment, elle avait un sacré caractère ! Un jour, elle a sauté par-dessus son enclos pour aller rejoindre le voisin, et une autre fois, elle a mangé toute la moulée destinée aux autres animaux, tellement qu’elle était incapable de se lever, gonflée à bloc !
Il y a aussi eu ce moment où Silvia, après avoir couché les enfants, se retrouvait à nettoyer les enclos jusqu’à 3h du matin. Une vie de fermière n’est définitivement pas de tout repos, mais c’est un métier qui crée des souvenirs mémorables.
Et pour l’avenir ?
Quand je demande à Silvia où elle se voit dans cinq ou dix ans, elle répond avec espoir. Elle veut que leurs produits soient connus, peut-être même mondialement, et en compétition avec des produits européens. Elle rêve de voir leurs viandes et produits locaux dans les boucheries et marchés de Montréal.
Mais au-delà de ça, l’immigration reste un sujet qui la touche profondément. Elle souhaite travailler à encourager et aider d’autres immigrants à bien s’établir ici, à leur donner espoir qu’ils peuvent, eux aussi, bâtir une belle vie au Québec.
Silvia Zarate Jimenez incarne parfaitement ce que le projet O'Champ les filles! souhaite promouvoir : des femmes fortes et inspirantes qui façonnent l'avenir de l'agriculture québécoise. En surmontant les obstacles, elle nous montre que la place des femmes dans ce secteur est non seulement essentielle, mais porteuse d'un changement profond. Leur vision, leur résilience et leur capacité à s'adapter aux défis environnementaux et sociaux sont des atouts inestimables. À travers des modèles comme Silvia, nous espérons encourager davantage de jeunes filles à envisager des carrières dans l'agriculture, et à croire en leur potentiel à façonner l'avenir de notre alimentation et de nos terres.
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